Amiante : l’État regardera ailleurs06/03/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/03/2901.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Amiante

l’État regardera ailleurs

Sans l’avoir encore annoncé officiellement, tout porte à croire que Santé publique France, qui dépend du ministère de la Santé, va réduire les moyens alloués à la surveillance des mésothéliomes pleuraux, cancers spécifiques de l’exposition aux fibres d’amiante.

Les effets dramatiques de cette exposition sont connus depuis le début du 20e siècle. Pendant presque un siècle, les industriels ont utilisé en France l’amiante, ce matériau aux propriétés ignifugeantes, en se moquant des risques qu’ils faisaient prendre à leurs ouvriers. Il en est résulté un des pires scandales sanitaires qui a fait et continue à faire des victimes, de l’ordre de 100 000 au total. Celles-ci succombent au mésothéliome de la plèvre, spécifique de l’amiante, mais aussi au cancer du poumon.

L’État a laissé faire les in­dustriels, retardant le plus possible la décision d’interdire l’amiante, finalement prise en 1997. Sous la pression du scandale, des manifestations et de la mobilisation ouvrière dans certaines entreprises particulièrement concernées, les gouvernements ont fini par prendre en compte l’indemnisation des victimes et, en 1998, ont lancé le Programme national de surveillance des mésothéliomes dans 21 départements.

En 2012, ce programme essentiel aux connaissan­ces épidémiologiques a été ­complété par un décret incluant les mésothélio­mes dans la liste des maladies à déclaration obligatoire. Ces dispositifs ont permis de chiffrer le nombre de cas, très souvent mortels, à un peu plus d’un millier par an. Ils ont aussi amélioré les connaissances sur l’exposition à l’amiante, souvent ignorée par les victimes, comme sur les dommages subis en dehors du cadre professionnel, par les femmes d’ouvriers travaillant avec de l’amiante par exemple.

Mais voilà maintenant que des courriers récents, auxquels la revue ­Santé & travail a eu accès, révè­lent que Santé publique France « n’est plus en mesure de déployer le dispositif national de surveillance des mésothéliomes » car l’agence n’a plus « les moyens suffisants ».

La justice n’a jamais accepté qu’un procès se tienne pour juger des responsabilités des ministres qui se sont succédé avant 1997 en refusant de compromettre les profits des patrons empoisonneurs d’ouvriers. Maintenant, les économies annoncées vont handicaper la surveillance de maladies mortelles qui touchent principalement des travailleurs manuels, au sort desquels le gouvernement est complètement indifférent.

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