Navalny, un “démocrate” ?21/02/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/02/2899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Navalny, un “démocrate” ?

Pour les dirigeants et les médias occidentaux, la cause est entendue : Navalny était, sinon un des leurs, du moins de leur camp. C’était donc forcément un démocrate, a-t-on pu entendre en boucle pendant des jours. Vraiment ?

Navalny, un avocat, avait commencé sa carrière politique en affichant des idées d’extrême droite grand teint. Monarchiste, il participait chaque année en tête de cortège à la Marche des fiertés russes, une parade réunissant les nationalistes et ultra-nationalistes. Il y a une dizaine d’années, alors qu’il voulait se présenter aux élections, il avait lancé une pétition nationale contre les ressortissants de l’ex-Union soviétique venus travailler en Russie, exigeant qu’on expulse ces migrants, surtout s’ils n’avaient pas de papiers en règle. La police faisant alors systématiquement la chasse aux migrants pour les rançonner, Navalny reprochait en fait à Poutine de les tolérer !

Les années passant, Navalny voulut mettre en avant des aspects plus « respectables » de son activité, en tout cas pouvant lui attirer plus facilement les faveurs des membres de la petite et moyenne bourgeoisie.

En effet, ceux-ci n’étaient pas les derniers à recourir aux services de migrants dans la sphère privée ou professionnelle. En revanche, ils étaient excédés, vingt ans après la fin de l’Union soviétique, de constater que, même si le marché avait été proclamé rétabli par ceux qui dirigeaient le pays, les bureaucrates de tout poil continuaient à y faire la loi, dans tous les sens du terme.

Navalny lança donc une fondation contre la corruption, développant un discours prêchant l’instauration d’un « capitalisme propre », « honnête », autrement dit dans lequel les petits et grands détenteurs de capitaux n’auraient plus à en partager les profits avec les « parasites » au pouvoir. Le terme « escrocs », pour désigner Poutine et les siens devint une quasi-marque de fabrique des interventions de Navalny sur les réseaux sociaux, dont des vidéos, fort bien faites et vues par des millions de Russes, où il faisait visiter virtuellement les propriétés du Premier ministre Medvedev en Toscane, et bien sûr le palais pharaonique de Poutine en Crimée.

Des oligarques connus, Fridman, Aven, Tchitcharkine, reconnurent vite en Navalny quelqu’un qui allait au-devant de leur souhait de s’intégrer pleinement au monde capitaliste occidental. Il y a deux ans, des oligarques avaient critiqué une guerre qui gênait leurs affaires. Plusieurs hommes d’affaires avaient alors cédé de façon suspecte à des envies suicidaires. Tout le monde y vit un avertissement des « services », FSB, officines barbouzardes et autres chères à Poutine – et les milliardaires russes se le tinrent pour dit. Depuis Moscou ou Dubaï, on ne les a pas entendus commenter la mort de Navalny. Mais certains n’en pensent sans doute pas moins qu’avec lui a disparu un politicien qui prêchait une « normalisation » bourgeoise du statut et de la fortune des nantis russes actuels.

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