Sénégal : un ami de la France assassine14/02/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/02/2898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Sénégal

un ami de la France assassine

Trois manifestants ont été tués par la police sénégalaise vendredi 9 février et des centaines d’autres arrêtés. Ils protestaient contre le report des élections présidentielles, initialement prévues le 25 février, annoncé par le président Macky Sall.

Ce 9 février, l’opposition avait appelé à se rassembler sur la place de la Nation à Dakar. Des centaines de personnes qui cherchaient à y accéder ont été dispersées à coups de grenades de gaz lacrymogène. Parmi elles, on comptait de nombreux écoliers et étudiants ayant quitté leurs cours dès le matin avec leurs professeurs. Dans tout le pays, les forces de répression se sont déchaînées. À Saint-Louis, dans le nord du Sénégal, un étudiant est décédé une fois arrivé à l’hôpital. À Dakar, un marchand ambulant a succombé à une blessure par balle. À Ziguinchor, en Casamance, c’est un lycéen de 16 ans qui est mort après avoir été frappé à la tête. Mardi 13 février, la nouvelle manifestation prévue par l’opposition étant interdite, celle-ci a décidé de la reporter, mais l’agitation continuait dans tout le pays.

Macky Sall espérait garantir le maintien de son clan au pouvoir en charcutant le calendrier électoral. Il avait longtemps fait planer le doute sur son intention de se présenter à un troisième mandat, avant de dire qu’il n’en ferait rien et de désigner comme dauphin son Premier ministre, Amadou Ba. Au préalable, il avait pris la précaution de déblayer la voie devant celui-ci en faisant emprisonner et désigner comme inéligible son pire ennemi, Ousmane Sonko. Cependant, plus les élections s’approchaient et plus il devenait évident qu’Amadou Ba risquait fort de ne pas être élu. Pire encore, c’est le candidat désigné par Ousmane Sonko pour le remplacer qui semblait en position de l’emporter. En reportant le scrutin au 15 décembre, Macky Sall pensait se donner largement le temps de manœuvrer pour écarter cette menace, mais il n’a réussi qu’à jeter la population dans la rue.

Macky Sall suscite à juste titre le rejet de la population pauvre. Après les manifestations contre la vie chère de l’automne 2022, il avait multiplié les promesses de baisse des prix, mais ceux-ci n’ont cessé d’augmenter. Il favorise outrageusement les classes riches des beaux quartiers alors que les travailleurs n’arrivent plus à se loger. La corruption gangrène son régime. Ainsi, en décembre dernier, la Cour des comptes a mis au jour un détournement de 10 millions d’euros sur les fonds destinés à la lutte contre le Covid.

Macky Sall est aussi totalement inféodé à l’impérialisme français. Le Sénégal qu’il dirige est un paradis pour ses trusts. Vinci, Total, Orange, Thales, Eiffage, et quasiment toutes les banques y font leurs affaires. L’armée française est présente dans sa base de Dakar, même si les effectifs devraient y être réduits. Et depuis l’indépendance, tous les présidents français ont choyé leurs homologues sénégalais, les ont qualifiés de modèles de la démocratie, au même titre que les dirigeants sénégalais choyaient les trusts français.

Ousmane Sonko, pour sa part, dénonce cette corruption et cette mainmise de la France, et cela lui vaut une grande popularité, en particulier dans la jeunesse. Cependant rien ne garantit que, s’il arrivait au pouvoir, le sort des travailleurs en serait changé. Le programme de son parti ne prévoit aucune participation de la population pauvre à la lutte contre les maux dont elle souffre, ce qui démontre qu’il s’en méfie.

Aujourd’hui, la situation au Sénégal inquiète tout ce qu’il y a de puissants dans la région et parmi les grandes puissances. Les émissaires se succèdent auprès de Macky Sall. Ce ne sont certes pas les cadavres et la répression qui inquiètent les dirigeants africains, français ou américains, mais le fait que Macky Sall, par ses manœuvres à courte vue, ait provoqué l’irruption de la population pauvre sur la scène politique. Mais pour les travailleurs et les classes populaires, au contraire, ce peut être l’occasion de poser leurs problèmes sur la table et de se mobiliser pour commencer à les résoudre.

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