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Meeting du 9 octobre 2020 : discours de Jean-Pierre Mercier

Au sommaire de la brochure

Sommaire

    S’il y a une chose que les capitalistes savent faire, c’est se saisir de toutes les occasions pour défendre leurs intérêts, pour pousser l’avantage le plus loin possible, pour justifier leurs attaques contre les travailleurs. Et on le voit dans cette crise.

    L’épidémie n’a pas créé la crise économique, elle n’a fait que l’accélérer et l’approfondir.

    Avec l’aggravation de la crise qui accentue la désorganisation générale de toute une partie de la société, les capitalistes doivent faire face à une diminution de leurs profits et contre cela, les patrons ne connaissent qu’une solution pour y remédier : tenter d’augmenter leurs taux de profits en aggravant l’exploitation.

    Ce n’est même nous, marxistes, qui le disons, ce sont les représentants des capitalistes eux-mêmes : ainsi l’économiste Patrick Artus, l’un des dirigeants de la banque Natixis, déclarait début septembre : « Que croyez-vous que les entreprises confrontées à la perte de leur activité, au recul de leurs parts de marché, à la chute de leur profitabilité vont faire ? Elles vont avoir une réaction forte, qui passera par des plans d’économies, des suppressions d’emplois, des baisses de salaires, des délocalisations encore plus massives. Je suis convaincu que le capitalisme néolibéral que l’on critique tant va se durcir bien davantage dans les années qui viennent. »

    Et en effet, dès le début de la crise, le patronat a commencé par imposer une saignée, une véritable hémorragie dans l’emploi.

    En mars dernier, il n’a fallu que quelques semaines au patronat pour détruire plus de 700 000 emplois en jetant au chômage les travailleurs les plus précaires, intérimaires, CDD. Beaucoup de ceux qui sous le nom pompeux d’auto entrepreneur qui ne sont en fait que des travailleurs à la différence qu’ils n’ont même pas les fragiles protections des travailleurs salariés ont perdu toute activité.

     

    Puis s’en sont suivi des annonces en rafale de plans de suppressions d’emplois, de licenciements et de fermetures d’entreprises comme à Airbus, Air France, Nokia, Renault, Smart, la Halle, Courtepaille, André, General Electric, Auchan, Bridgestone.

    La liste est bien trop longue pour tous les citer.

    Tous les secteurs d’activité sont concernés d’autant plus que dans bien d’autres secteurs, le covid sert surtout de prétexte au grand patronat pour aggraver et accélérer des attaques prévues depuis longtemps. Le covid sert maintenant de justification aux plans de licenciements et aux fermetures d’entreprises, à la remise en cause des 35h, à la réduction du nombre de jours fériés ou de jours de congés payés ou au chantage à l’emploi pour imposer des baisses de salaires.

    Ce ne sont pas seulement les travailleurs les moins qualifiés, les moins payés comme les ouvriers de l’automobile ou les employés de la grande distribution qui sont touchés. C’est aussi le technicien en télétravail de chez Nokia par exemple, ou l’ingénieur en recherche et développement chez Airbus qui voient leur emploi menacé.

    Ces catégories de travailleurs qui passaient il y a peu pour des privilégiés comme les cadres de l’industrie ou de la banque jusqu’aux pilotes de ligne, qui se croyaient peut-être au-dessus des autres salariés, réalisent qu’ils sont sur un siège éjectable et qu’aux yeux du grand capital, ils ne sont rien d’autre, eux aussi, que des pions.

    Dans cette attaque générale contre l’emploi, il y a les entreprises qui font la une du 20h, les grands groupes industriels connus du grand public qui sont les donneurs d’ordre. Et puis il y a les dizaines, les centaines d’entreprises dont les médias ne parlent pas : les sous-traitants, les fournisseurs de ces grands donneurs d’ordre.

    Et là, la guerre fait rage. Quand, au sein des grands groupe industriels comme Renault ou Air France, les directions d’entreprises en sont encore au plan de suppression d’emplois sous forme de départs dit volontaires ou de départs en pré-retraite non remplacés, pour les entreprises sous-traitantes, soumis aux commandes et aux ordres des grands groupes industriels ce sont directement les licenciements secs voire les fermetures d’usines.

    Cette attaque générale est non seulement dévastatrice pour les travailleurs qui perdent brutalement leur seul moyen de vivre, mais elle l’est tout autant pour l’ensemble de la société.

    Une entreprise qui ferme, qu’elle soit petite ou grande, cela a des effets mortels sur tout le territoire où elle est installée. Quand des centaines, des milliers de familles de travailleurs voient leurs ressources chuter, quand il n’y a que le chômage comme perspective, cela impacte forcément la ville, le département, la région.

    Ce sont les commerçants, les artisans, les patrons encore plus petits qui vont en pâtir et vont voir à leur tour leurs difficultés s’aggraver.

    Tous ces petits restaurateurs, ces artisans, ces commerçants, ceux qui vivent grâce à la consommation des travailleurs, qui croyaient que leurs propriétés les plaçaient au-dessus des salariés, qui espéraient que leur petit capital les protégerait des aléas de l’économie, se rendent compte que ce qui se joue aujourd’hui c’est, au-delà de la survie de leur petit commerce, directement leur peau et la survie de leur famille.

    Quand on ajoute à cela les allers et retours du gouvernement, dans telle ou telle région, sur les mesures de fermeture de certains établissements et le fait que certains ne se sont pas relevés du confinement du printemps dernier, mais aussi le fait que plus que jamais ces petites entreprises sont à la merci des banques, on comprend que la situation est déjà dramatique pour toute une partie de la petite bourgeoisie.

    La crise sanitaire et l’intensification de la guerre que la bourgeoisie mène contre les travailleurs ont déjà comme conséquence, pour nombre d’entre eux, l’endettement et la faillite.

    Aux yeux du grand capital, la petite bourgeoisie n’est pas beaucoup plus considérée que la classe ouvrière, et un certain nombre de petits patrons en font l’amère expérience. Comme ce patron d’une petite usine d’une vingtaine de personnes, dans l’Oise, qui racontait la semaine dernière que le banquier à qui il venait de demander une ultime aide pour ne pas couler lui avait répondu : « À part un paquet de pâtes, je ne peux rien pour vous. » Un autre patron de PME raconte : « Vous avez beau vous débattre dans tous les sens, ne plus dormir, chercher toutes les solutions, vous ne pouvez rien contre une activité qui ne repart pas et des banques qui refusent de vous aider. »

    Pour beaucoup, l’avenir sera de pointer à Pôle emploi avant d’avoir la chance, le « privilège », comme certains peuvent encore le penser, de décrocher une mission d’intérim comme manutentionnaire ou ouvrier de fabrication.

    Oui la crise économique qui s’approfondit ne va pas toucher que les travailleurs salariés mais toutes les classes laborieuses, tous ceux qui vivent de leur travail.

    Elle va jeter dans la pauvreté nombre de petits et de moyens bourgeois qui n’auront comme seule solution pour survivre de trouver un emploi salarié et de se retrouver à vivre les mêmes difficultés que les prolétaires.

    Il n’est donc pas étonnant de voir les petits restaurateurs et bistrotiers de Marseille se mobiliser. Ils savent qu’avec la fermeture de leur commerce, pour les plus petits, les plus fragiles, ceux qui n’ont pas les moyens de négocier avec les banques, ils jouent leur peau.

     

    C’est ça le capitalisme, un système économique qui a pour conséquence d’écraser, de ruiner, d’appauvrir tous ceux qui vivent de leur travail. Le capitalisme en crise n’a pas d’autre perceptive à offrir à l’ensemble de la société que chômage et appauvrissement généralisé.

    Pour illustrer cette guerre sociale que mène la grande bourgeoisie, je vais prendre les déclarations de Carlos Tavares, le PDG du Groupe PSA dans lequel je travaille.

    Lors d’une réunion avec des représentants syndicaux, il a tenu, pour justifier sa politique, à expliquer que PSA depuis des années augmentait ses ventes car le marché automobile s’élargissait. Mais cette année, le marché automobile va sans doute baisser de 20 %. Pour continuer à augmenter ses ventes, PSA ne peut plus compter sur l’augmentation du marché. Par conséquent, Tavares a déclaré : « Je vais utiliser une formule guerrière : il va falloir aller manger dans la gamelle des autres ».

    Manger dans la gamelle des autres, c’est faire la guerre aux autres constructeurs automobiles, Renault, Toyota, Volkswagen pour aller leur prendre leurs parts de marché. Évidemment, cela n’a rien d’extraordinaire ! La concurrence féroce, la guerre de tous contre tous, est inscrite dans le code génétique du capitalisme.

    Mais la formule grossière utilisée par Tavares, tout comme le fait qu’il parle de langage « guerrier », en dit long sur l’état d’esprit du patronat.

    Quand nous disons que les capitalistes sont des requins, on nous reproche parfois d’avoir une vision caricaturale… mais voilà que eux-mêmes se décrivent comme des chiens affamés prêt à aller mordre le voisin de niche pour lui voler son os !

    Sauf qu’il ne faut pas se leurrer : cette guerre, elle sera menée avec la peau des travailleurs. Pour « manger dans la gamelle des autres », comme dit Tavares, pour prendre des parts de marché à ses concurrents, PSA va mener et mène la guerre contre ses propres salariés pour diminuer encore un peu plus la part des salaires dans le coût de fabrication de ses voitures. C’est-à-dire que l’entreprise se prépare à supprimer des emplois, à bloquer ou baisser les salaires, à réduire au maximum les droits collectifs des travailleurs.

    Et chaque constructeur automobile, chaque capitaliste de n’importe quel secteur tient le même raisonnement. Mener la guerre contre son concurrent avec la peau des travailleurs sur le dos de l’ensemble de la société.

    Pour défendre ses privilèges, sa fortune, la perspective de la bourgeoise c’est la guerre économique et sociale et la ruine de la société

     

    « Aller manger dans la gamelle des autres », pour Tavares et ses semblables, cela veut aussi dire faire croire aux travailleurs de chaque entreprise, de chaque catégorie, qu’ils vont devoir se battre contre ceux des autres entreprises, des autres catégories. C’est un piège mortel pour les travailleurs

    Les intérêts généraux de la société, les capitalistes n’en ont rien à faire. La seule chose qui compte, ce sont leurs propres profits – et tant pis si le monde doit crever autour d’eux.

    Alors, laissons aux capitalistes leurs criminels combats de gamelle ! L’urgence de l’heure, pour nous les travailleurs, c’est de comprendre qu’au lieu de nous combattre, au lieu de nous laisser embarquer dans leur propagande, nous devrons tôt ou tard nous unir, par-delà les différences de statut, d’entreprise, de secteur et même de pays. C’est-à-dire que nous devrons retrouver la conscience de l’unité de nos intérêts, de la nécessité d’unir nos forces pour combattre les capitalistes, nos seuls adversaires, nos seuls ennemis, les seuls responsables de la catastrophe sociale qui nous frappe !

    ******

    Bien sûr, cela paraît bien loin aujourd’hui. Car face à cette situation, nous le savons, nous le constatons tous, les travailleurs ne sont pas mobilisés. Ils encaissent les coups sans les rendre. En bien, il ne faut pas s’en étonner, et encore moins s’en démoraliser.

    Aujourd’hui c’est l’angoisse et l’inquiétude qui règnent dans les rangs du monde du travail. Et c’est compréhensible.

    Quand vous apprenez qu’une entreprise aussi emblématique que Renault projette de fermer 5 usines, quand vous entendez que Bridgestone annonce brutalement du jour au lendemain la fermeture de son usine de Béthune avec 860 licenciements secs, cela ne peut être qu’un coup de massue. Et la première réaction, c’est l’expectative, l’ahurissement.

    D’un coup, les fermetures d’usines avec ce que cela implique, le chômage, les difficultés financières, devient quelque chose de réel, de palpable. On réalise que ça n’arrive pas qu’aux autres sans savoir quoi faire.

    Surtout quand, dans votre entreprise, comme c’est le cas de tellement d’entre elles, il n’y a plus de militants combatifs pour vous donner des perspectives de lutte. Surtout que pendant des années, ces militants ouvriers ont milité pour convaincre les travailleurs de voter pour faire élire un « bon gouvernement de gauche » plutôt que de lutter avec le résultat que l’on connaît : trahison de la gauche, démoralisation des militants et recul général de la conscience politique.

    Quand vous êtes un ouvrier, une employée, un agent de sécurité et que vous entendez que des centaines d’ingénieurs de Nokia sont eux aussi menacés de licenciement alors que l’entreprise, durant le confinement a augmenté sa rentabilité, vous prenez conscience que personne n’est à l’abri mais surtout qu’avoir un métier très qualifié ne protège pas du chômage. Alors quand vous n’êtes qu’un ouvrier, c’est pire.

    Et quand vous voyez que les patrons qui n’hésitent pas à licencier ont le soutien sans faille du gouvernement qui leur donne des milliards, que ça coule à flot, qu’on leur concocte des lois qui leur permettent de licencier encore plus facilement et même d’éponger leurs dettes ! Comme dans le cas des magasins Alinéa où le rejeton Muliez, une des plus grandes familles bourgeoises du pays, a eu gain de cause au tribunal pour racheter sa propre entreprise après l’avoir mise en faillite en licenciant la moitié des travailleurs. Alors, vous vous dites que le camp d’en face est fort, très fort, trop fort, et que vous ne pesez rien.

    Alors, la première réaction, c’est de chercher à sauver sa peau individuellement. De faire le dos rond, de mettre la tête dans les épaules en espérant que le coup va tomber à côté. De se dire que peut-être si on accepte une réduction de salaire ou de lâcher un ou deux jours de congés, de travailler un peu plus, de faire des heures supplémentaires qui ne seront pas payées, on peut espérer garder son emploi, car en fin de compte sans salaire, on ne peut pas vivre.

    Cette réaction que l’on constate tous autours de nous est humaine, elle est compréhensible. Elle est la conséquence de la peur et de l’angoisse.

    Quand on se penche sur le passé, on constate par exemple que suite à la crise de 1929, il a fallu attendre les année 34-36 pour assister à des réactions ouvrières massives.

    Nous ne savons pas combien de temps va durer cette période d’écrasement de la classe ouvrière. Ce que nous savons, ce dont nous sommes profondément convaincus, c’est que la remontée ouvrière aura lieu.

    Ce n’est pas une simple conviction en l’air.

    D’abord, parce que nous sommes communistes, nous avons une confiance inébranlable dans la capacité des exploités à sortir de l’écrasement, à sortir de la torpeur, à refuser d’accepter son sort et à se révolter.

    Toute l’histoire le montre : depuis les révoltes d’esclaves dans l’Antiquité jusqu’aux révolutions du 18e siècle en passant par les jacqueries du Moyen âge, depuis les révolution ouvrières du 19e siècle jusqu’aux récentes mobilisations sociales dans les pays arabes, en Amérique du sud, en Biélorussie, en passant par les révolutions russes et les révoltes anticoloniales qui ont suivi la Seconde guerre mondiale, oui, toute l’histoire montre qu’il arrive toujours un moment où les opprimés sortent de leur torpeur et brandissent à nouveau le drapeau de la révolte !

    N’en déplaise à M. Tavares et ses semblables, les exploités ne sont pas des chiens à la gamelle, ce sont des dizaines, des centaines de millions de femmes et d’hommes que l’injustice du monde capitaliste poussera, tôt ou tard, à retrouver le chemin de la révolte.

     

    C’est une question de nécessité, une question de vie ou de mort.

    Pour faire perdurer leurs profits, les capitalistes n’ont pas d’autre choix que de mener une guerre à mort aux travailleurs, à l’échelle de toute la planète.

    Alors retrouver le chemin des luttes, réapprendre à se battre à nouveau, ce sera pour les travailleurs une nécessité vitale dans les mois et les années à venir. Et cet apprentissage se fera peut-être bien plus vite que certains le croient !

    Ce n’est pas dans le pouvoir des militants révolutionnaires, ni d’aucun autre d’ailleurs, que le sentiment de révolte s’exprime ou explose. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour mettre en branle des millions de femmes et d’hommes. Cela ne s’est jamais passé comme cela dans l’histoire du mouvement ouvrier.

    La remontée de la combativité, c’est un phénomène bien plus compliqué, une évolution de la conscience collective qui dépend d’innombrables facteurs.

    Mais à chaque fois – on l’a toujours vu dans l’histoire – les responsables de l’embrasement social, ce sont les exploiteurs eux-mêmes.

     

    Ceux qui allumeront la mèche de l’explosion sociale, ce sera le gouvernement qui prendra la mesure de trop, comme une augmentation des impôts de trop, une attaque contre les retraites ou de l’assurance chômage de trop, ce seront les patrons de tel groupe industriel qui annonceront le plan de licenciement ou une énième baisse des salaires de trop.

    Nous ne savons pas, nous ne pouvons pas savoir d’où cela viendra ni quel chemin prendra la contestation sociale. Mais nos choix politiques et militants c’est de miser sur cette explosion sociale, sur la mobilisation de la classe ouvrière.

    Dans la société capitaliste, face au grand patronat, la seule solution pour que les travailleurs sauvent leur peau, c’est la lutte collective, la lutte sociale. Sans mobilisation déterminée et massive, les travailleurs resteront des esclaves.

    Mais il ne suffira pas de lutter. Il faudra aussi qu’ils aient conscience contre qui et contre quoi ils doivent se battre : la bourgeoisie et sa dictature sur la société.

    Tant que les travailleurs ne contesteront pas son pouvoir, leur sort ne pourra pas changer.

    Voilà pourquoi malgré le recul du mouvement ouvrier, malgré la démoralisation générale du monde du travail, malgré l’écrasement actuel et l’absence de luttes sociales d’ampleur, nous sommes plus que jamais déterminés à tenir fermement le drapeau de la lutte de classe, le drapeau de la révolution sociale parce que c’est la seule perspective valable pour la classe ouvrière et l’ensemble de la société.

     

    Évidemment, nous savons que nos idées, les idées de la lutte de classe, les idées révolutionnaires, sont ultra minoritaires ! Mais dans ce contexte d’attaques patronales et gouvernementales et de recul de la conscience politique des travailleurs, il ne peut en être autrement.

    L’absence de luttes, de grèves pèse inévitablement sur le moral de bien des militants syndicaux et de bien des militants politiques qui se placent sincèrement du côté des travailleurs. Eux-mêmes sont souvent emportés par la démoralisation générale car sur le fond, ils ne placent plus leur confiance, et depuis longtemps, dans la capacité de mobilisation des travailleurs.

    Alors, pour tenir dans cette période compliquée où les coups pleuvent sur les travailleurs sans qu’ils soient encore en capacité de les rendre, il est vital d’avoir des convictions politiques claires et déterminées.

    Les idées communistes révolutionnaires sont les seules idées qui permettent de ne pas perdre le moral, de ne pas abdiquer face à la démoralisation ambiante, de regarder au-delà de la sinistre période actuelle et de s’appuyer sur tout ce que nous apprend l’histoire du mouvement ouvrier, l’histoire des révoltes et des révolutions, pour rester fermement convaincu que l’avenir du monde appartient à la classe ouvrière.

    Encore une fois, de deux choses l’une : soit les travailleurs reprennent confiance dans leur force collective et reprennent le chemin de la lutte sociale, soit la société continuera de s’enfoncer dans la barbarie. Eh bien nous, nous ne nous résignons pas !

    Continuer à défendre les idées communistes révolutionnaires, continuer à défendre les idées de la lutte de classe c’est une question de volonté et de détermination. C’est un choix militant.

     

    Notre problème n’est pas d’essayer de lire dans une boule de cristal le moment où les travailleurs auront repris confiance dans leur force collective. Notre problème, notre préoccupation c’est de semer aujourd’hui les idées politiques qui leur seront vitales dans leurs combats futurs.

    Ces idées, ce programme politique, c’est d’abord de combattre les idées majoritaires à la mode où tout est bon pour brouiller les consciences, pour faire disparaître la conscience de classe. C’est de défendre cette idée fondamentale que les travailleurs, tous ceux qui n’ont que leur salaire ou leur pension de retraite pour vivre, ont des intérêts diamétralement opposés aux capitalistes, des intérêts irréconciliables.

    Dans l’actuelle période marquée par les fermetures d’entreprises et les licenciements de masse, nous devons combattre le souverainisme, la propagande sur la « relocalisation », sur la « stratégie industrielle », toutes ces idées qui sont portées par des politiciens de gauche comme de droite et même par des responsables syndicaux.

    L’exemple de l’annonce de la fermeture de l’usine de Bridgestone est révélateur.

    Tout d’abord les politiciens en ont fait tout un cinéma. « C’est une trahison… une décision révoltante », a grondé Le Maire, le ministre de l’Économie. Dans le genre « Retenez-moi ou je fais un malheur ! », Xavier Bertrand, président de la région des Hauts de France, a parlé « d’assassinatprémédité ».

    En s’excitant sur cette usine, et ils sont d’autant moins gênés de le faire que le patron est japonais, ils veulent faire croire qu’ils agissent et qu’ils ont des solutions pour les travailleurs.

    Et qu’est-ce qu’ils font ? Eh bien, tous, ils proposent de remettre des millions sur la table et de payer Bridgestone pour qu’il reste à Béthune ! Le même Xavier Bertrand qui a parlé d’assassinat a fait les comptes. Avec 200 millions, il pourrait, estime-t-il, convaincre Bridgestone de rester. Il crie à l’assassinat et il promet des millions à l’assassin ! Derrière le démagogue, il y a un vrai cireur de pompes !

    C’est la même politique du côté du Rassemblement national, mais aussi du PCF ou de la France insoumise. Après avoir expliqué tout le mal qu’ils pensent de ces multinationales qui touchent des aides publiques à gogo et licencient, ils proposent, comme le gouvernement, de leur redonner des millions. Alors certes, ils insistent sur les contreparties et les conditions.

    Mais ce ne sont que des mots de politiciens qui sont responsables devant le grand patronat. Car ils se gardent bien d’affirmer l’idée qu’il faudrait imposer la réquisition pure et simple de ces entreprises qui se sont goinfrés d’argent public tant ils ont peur de mettre cette idée dans la tête des travailleurs.

    Quand Hollande a mis en place le CICE, il avait, disait-il conclu un pacte avec le patronat, « le pacte de compétitivité » : l’État accordait des millions en baisses d’impôts, le grand patronat devait investir et créer un million d’emplois ou augmenter les salaires. On voit ce qu’il en est dans toutes les entreprises !

    Toutes ces histoires de pactes, de contrats, d’accords… sont des escroqueries.

    Alors, jouer aux conseillers du patronat sur la façon dont il doit investir son argent, « relocaliser » et « réindustrialiser » le pays, comme le font les politiciens de droite ou de gauche et même les dirigeants syndicaux, est ridicule. Et c’est surtout une tromperie qui conduit à l’illusion qu’il pourrait y avoir des intérêts et des projets communs entre exploités et exploiteurs.

     

    Autre tromperie : toutes les variantes autour du protectionnisme. Il est possible d’empêcher ces fermetures d’usine et ces délocalisations en imposant des droits de douane ou des normes sociales et environnementales nous dit-on du côté de Le Pen, mais aussi du côté de Fabien Roussel du PCF ou de François Ruffin et de la FI !

    Ce ne sont pas les droits de douane qui vont sauver les emplois à Airbus ou à Auchan… Quant aux multinationales qui seraient concurrencées par une compétition déloyale des pays à bas coûts, c’est se moquer du monde que de dire qu’elles sont victimes de la mondialisation : ce sont elles qui en profitent. Pendant que ces politiciens dénoncent la concurrence déloyale, la politique ultra-libérale ou la mondialisation, ils dédouanent les véritables ennemis des travailleurs : les maîtres de l’économie, les grands actionnaires, les capitalistes.

    à l’époque de la mondialisation de l’économie, raisonner à l’échelle nationale c’est illusoire mais c’est surtout réactionnaire.

    Tant que le grand capital reste le maître, il fait ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut et les discours sur la « politique industrielle » ou le « produisons français » ne sont que des bavardages de politiciens.

    Récemment, lors d’un débat avec Philippe Martinez, qui réclamait plus de dialogue avec le patronat, le patron du Medef, Roux de Bézieux, bien plus conscient que lui, lui a répondu : « On peut toujours discuter stratégie industrielle, mais au final c’est celui qui a le capital qui décide ».

    Les dirigeants politiques peuvent se faire élire et prétendre gouverner. Mais ce sont les actionnaires, la grande bourgeoisie qui imposent leur dictature sur l’économie. Le président de la République et les ministres ne sont que des paillassons sur lesquels les multinationales s’essuient les pieds.

    Ce que le gouvernement craint par dessus tout, c’est la colère des travailleurs eux-mêmes. Ce sont des luttes ouvrières assez déterminées et massives pour qu’il se sente menacé de tout perdre.

    Les statuts historiques de la CGT, votés au congrès d’Amiens en 1906, précisaient que « l’émancipation intégrale... ne peut se réaliser que par l’expropriation des capitalistes ». Jusqu’à 1995, les statuts de la CGT affirmaient qu’elle « groupe en dehors de toute école politique tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat ». La crise actuelle montre à quel point cet objectif reste d’actualité. C’est une perspective que les dirigeants de confédérations syndicales et les dirigeants qui se disent de gauche ont abandonnée depuis longtemps. Mais c’est la seule perspective valable.

    C’est celle que nous défendons encore et toujours.

    Si la bourgeoisie est incapable d’assurer un emploi à tous avec des salaires dignes dans le cadre de son système, si elle mène à la ruine y compris les couches intermédiaires que sont les petits patrons, commerçants et artisans, alors elle doit être expropriée et laisser la place aux travailleurs, qui feront infiniment mieux qu’elle. Comme l’écrivait très simplement Trotsky dans son Programme de transition : « Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications qui surgissent infailliblement des maux qu’il il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! »

     

    Oui, les travailleurs sont parfaitement capables de diriger les entreprises mille fois mieux que cette minorité parasite.

    Là encore, ce qui s’est passé pendant la crise sanitaire ne peut que nous conforter dans notre conviction que non seulement les travailleurs jouent un rôle fondamental dans la société mais qu’ils recèlent des trésors d’imagination, d’organisation et d’humanité.

    Car qui a fait face au pic de l’épidémie ? Qui a fait preuve de courage et de responsabilité pendant cette crise ? Qui a risqué sa peau au premier sens du terme ? D’abord le personnel soignant qui a fait face, mais aussi tous les travailleurs qui ont assumé leur rôle indispensable pour la société : les caissières, les magasiniers, les livreurs, les éboueurs, les travailleurs du nétoyage…

    Les travailleurs, les exploités, « ceux qui ne sont rien » d’après Macron, ont démontré qu’ils savaient se dévouer pour la collectivité, prendre des initiatives en fabriquant des masques et organiser la solidarité en distribuant des vivres alimentaires à ceux qui ne pouvaient plus nourrir leur famille.

    Qui est indispensable à la survie de la société ? Ce sont les travailleurs qui sont à leur poste, tous les jours, et pour lesquels, bien souvent le télétravail ne suffit pas ! Ce sont les ouvriers qui produisent dans les usines, les chauffeurs qui conduisent camions, bus et métro, les ouvriers agricoles qui nous alimentent en fruits et légumes… toutes les richesses passent entre nos mains de travailleurs.

    Sans nous rien ne se ferait. Et nous faisons le plus difficile. Alors, collectivement, nous pouvons aussi diriger ! Et nous dirigerions mille fois mieux que les capitalistes car nous ne serions pas aveuglés par la recherche fanatique du profit. Nous serions guidés par les intérêts communs au plus grand nombre : satisfaire les besoins vitaux de tous, à commencer par les plus pauvres, avoir un emploi, un salaire et une retraite digne !

    **********

    Les travailleurs n’ont ni capitaux ni cours boursiers à préserver. Ils n’ont que leur emploi et leur salaire. C’est ce qu’ils ont d’essentiel à sauver dans cette crise. Face à l’effondrement de l’activité, il faut répartir le travail entre tous les travailleurs, qu’ils soient en CDI, en CDD, intérimaires ou salariés de la sous-traitance.

    Si l’activité est réduite, les cadences doivent baisser et le temps de travail doit être réduit, les salaires maintenus intégralement en prenant sur les profits.

    Face à la stratégie patronale d’opposer les travailleurs ou les sites en surchargeant d’activité les uns et en mettant les autres au chômage, il faut imposer de travailler moins pour travailler tous ! Pas un ouvrier, pas un employé, pas un intérimaire ou un contractuel ne doit être chassé de son poste de travail ni privé de son salaire !

    Pour résorber le chômage, il faut créer massivement des emplois. L’épidémie de Covid-19 a mis en évidence le manque de personnel dans les hôpitaux mais le gouvernement refuse toujours d’embaucher malgré la 2ème vague actuel. Il y a pourtant des millions de chômeurs qui ne demandent qu’à travailler et à se rendre utiles. Mais ces emplois ne seront créés que si les travailleurs et la population qui subissent cette situation se battent pour.

    Les besoins sont tout aussi flagrants pour soigner les personnes dépendantes, pour l’éducation et la petite enfance, pour les transports.

    Ces dizaines, ces centaines de milliers d’emplois ne sont pas créés, non pas par manque d’argent. L’État a bien trouvé 100 milliards pour son plan de relance, et avec 100 milliards on peut déjà créer 2,7 millions d’emplois payés 1800 € net cotisations comprises, pendant un an. Si ces emplois ne sont pas créés c’est que la bourgeoisie s’y oppose, comme elle s’oppose à toutes les dépenses publiques qui ne lui sont d’aucun profit.

     

    Quant aux salaires, ils sont indignes pour l’écrasante majorité des travailleurs. « Notre pays tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies rémunèrent si mal » avait reconnu Macron au pic de l’épidémie quand les aides-soignantes, les caissières, éboueurs étaient applaudis.

    Mais il n’a même pas accordé les 300 € d’augmentation demandés dans les hôpitaux et les caissières d’Auchan ont eu comme récompense d’être menacées de licenciement.

    Le seul moyen d’éviter que les travailleurs soient transformés en miséreux, réduits à dépendre de la charité publique et privée, est de porter le SMIC à 1800 net et d’augmenter les salaires au rythme des hausses de prix par l’échelle mobile des salaires, c’est-à-dire leur indexation sur les prix !

    À la logique de rentabilité et de performance de la bourgeoisie, les travailleurs ont à opposer leurs nécessités vitales : des emplois, des augmentations de salaire et un contrôle ouvrier sur les agissements du grand patronat qui nous mène de crise en crise !

    Voilà le programme de lutte que nous devons défendre auprès des travailleurs. Des mesures qui ne peuvent être imposée à la bourgeoisie non pas à travers des élections ou par l’action de soi-disant « leader » aux service du peuple qui s’empressent de trahir dès qu’ils arrivent aux affaires.

    Elles devront lui être imposées par le seul langage qu’elle connaît celui des luttes massives, puissantes et déterminées de la classe ouvrière. Aujourd’hui comme hier, l’émancipation des travailleurs ne sera l’œuvre que des travailleurs eux-mêmes.

     

    Il faut mettre en avant des mesures qui ont comme objectif de contester le pouvoir des capitalistes dans les entreprises et sur la société. Car fondamentalement il s’agit de ça : contester par la lutte le pouvoir de la bourgeoisie.

    Certes, aujourd’hui, les travailleurs ne se battent mais en matière sociale, les choses peuvent changer très vite. La colère peut rapidement exploser. La peur peut changer rapidement de camp.

    Et c’est dans ces moments-là que tout deviendra possible. Quand les travailleurs ne pourront plus accepter les sacrifices qui ne mènent à rien à part engraisser encore un peu plus une bourgeoisie de plus en plus parasitaire. Tout deviendra possible quand la colère du monde du travail explosera et qu’elle rencontrera les idées révolutionnaires du mouvement ouvrier, du mouvement communiste.

    C’est pour préparer ces moments-là que ça vaut mille fois la peine de militer aujourd’hui. Pour ne pas revivre, une fois encore, des révoltes qui se terminent en impasse et en défaites parce qu’elles auront été dirigées par des faux amis de la classe ouvrière. Pour que l’énergie extraordinaire des prochaines grandes révoltes sociales ne soit pas détournée vers une voie de garage, mais au contraire, qu’elle permette enfin de commencer à remettre en cause la domination de ce régime capitaliste pourri, irresponsable et criminel !

    Ces moments de révoltes sociales, nous nous y préparons maintenant par nos choix politiques et militants. Cela ne tient qu’à nous de garder le cap des idées de la lutte de classe, la boussole des idées communistes révolutionnaires et de les faire partager le plus largement possible. Nous sommes bien déterminés à continuer à le faire contre vents et marées, y compris contre les épidémies de covid !

     

    Vive la classe ouvrière ! Vive le communisme !

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