Meeting de campagne du 29 mars 2019 : discours de Jean-Pierre Mercier02/04/20192019Brochure/static/common/img/contenu-min.jpg

Brochure

Meeting de campagne du 29 mars 2019 : discours de Jean-Pierre Mercier

Au sommaire de la brochure

Sommaire

    Camarades et amis,

    Ce qui se passe en Algérie concerne directement les travailleurs, ici, en France. Les histoires de ces deux pays sont étroitement liées, d’abord en raison des 132 années de colonisation imposées par l’impérialisme français en Algérie ; et ensuite parce que les travailleurs algériens ou d’origine algérienne qui se sont installés en France participent largement au fonctionnement de ce pays, sont exploités à nos côtés et font partie intégrante de la classe ouvrière en France. Contrairement à Macron qui a soutenu Bouteflika et sa clique, notre solidarité et notre soutien vont évidemment aux manifestants d’Algérie.

    Cette contestation populaire ne se limite pas à Bouteflika : elle exprime le rejet de ce que les manifestants appellent « la mal vie ». C’est le chômage qui frappe toute la population laborieuse et particulièrement les jeunes, diplômés ou pas ; c’est la cherté de la vie ; ce sont les salaires dramatiquement bas ; ce sont les services publics inexistants ; c’est la corruption.

    Même si le lâchage de Bouteflika par l’armée est un recul du pouvoir et, en ce sens, un premier succès remporté par les manifestants, la contestation ne faiblit pas. Mais, en lâchant Bouteflika, l’armée et son état-major ne sont pas devenus des amis des classes pauvres d’Algérie. Ils sont et restent le principal instrument d’oppression et de répression au service de la classe privilégiée. Le clan politique au pouvoir a besoin de temps pour trouver l’homme qui pourra remplacer Bouteflika. Le remplaçant qu’il trouveront, quel qu’il soit, ne combattra pas le chômage et la vie chère. Il continuera la même politique de défense des intérêts de la bourgeoisie algérienne et fondamentalement des intérêts de l’impérialisme français.

    Pour défendre leurs conditions de vie, les classes laborieuses devront continuer à se battre. Les travailleurs, les jeunes, les femmes en Algérie, s’ils ne veulent pas subir le même sort que leurs frères et leurs sœurs de classe tunisiens ou égyptiens, devront s’organiser en tant que travailleurs et mettre en avant leurs intérêts de travailleurs.

    La tâche est difficile mais nous avons toute confiance dans cette capacité des travailleurs algériens à se mobiliser et à se défendre. Vive la lutte des travailleurs algériens !

    ****

    Même si les attaques contre les conditions de vie de la population laborieuse en France sont moins brutales qu’en Algérie, elles ont la même cause principale : l’accaparement des richesses par la bourgeoisie qui vit sur le dos de toute la société.

    Le mouvement des gilets jaunes a posé la question essentielle du « vivre dignement ». Quoi d’étonnant ? Le mouvement des gilets jaunes est la conséquence directe des politiques gouvernementales et de celles du grand patronat : aggraver les conditions de vie des classes populaires pour que la bourgeoisie, cette classe de milliardaires et de parasites, continue à s’enrichir. 

    Même si les statistiques officielles et truquées tentent de prouver le contraire, le chômage ne cesse d’augmenter. Il plonge de plus en plus de travailleurs dans la misère. La France compte plus de 6,5 millions de chômeurs. 9 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté.  200 000 SDF sont laissés pour compte. L’année dernière, 566 d’entre eux sont morts dont 6 enfants de moins de 5 ans.

    Pour ceux qui ont un emploi, nous savons tous que l’écart grandissant entre les salaires bloqués et l’augmentation des prix fait qu’il est de plus en plus difficile de s’en sortir.

    Et les difficultés augmentent encore au moment de la retraite. Combien de retraités sont obligés de reprendre un petit boulot pour survivre ? Combien ont vu leur pension de retraite revenir des années en arrière à cause des mesures gouvernementales pour réduire leur montant ?

    Et il devient de plus en plus difficile de se loger, et pour certains avoir un toit n’est pas une sécurité, mais un danger de mort, comme à Marseille quand l’immeuble dans lequel ils habitaient s’est écroulé.

    La situation des hôpitaux publics se dégrade tellement qu’on peut y mourir d’avoir attendu 7 heures aux urgences sur un brancard, comme c’est arrivé l’année dernière à cette femme à Paris.

    Et que dire du scandale des Ehpad où le personnel, malgré tous ses efforts, ne peut correctement faire son travail par sous-effectif et manque de moyen – conséquence d’une gestion fondée sur le profit.

    Cette société si riche ne peut même pas offrir le minimum pour que sa population travailleuse et ses anciens vivent dignement. Le fossé entre riches et pauvres s’est aggravé et s’amplifie avec la crise économique.

    C’est dans ce contexte que la contestation populaire des gilets jaunes a démarré, et il n’y a rien d’étonnant à ce que leur mobilisation ait mis au cœur du débat la question essentielle du pouvoir d’achat. Le mouvement des gilets jaunes a démarré après l’annonce de l’augmentation de la taxe sur les carburants – une attaque qui semblait insignifiante au gouvernement, tellement sûr de lui après avoir réussi à faire passer, sans explosion sociale, des reculs sociaux importants.

    Eh bien, ça ne s’est pas passé comme ça. Cette mesure a été la mesure de trop.

    Car cela fait des dizaines années que les travailleurs se serrent la ceinture. Que de plus en plus, ils ne partent plus en vacances, limitent leurs loisirs, achètent moins de viande, moins d’habits pour les enfants, qu’ils repoussent les visites chez le dentiste ou chez l’ophtalmo, parce que ces soins coûtent beaucoup trop cher, quand on craint le contrôle technique de la voiture qui va engendrer des frais incontournables. Car s’il y a une chose qu’on ne peut pas restreindre, c’est de faire le plein d’essence pour aller au travail.

    C’est sur cette question du pouvoir d’achat que Macron a dû céder quelques concessions en décembre dernier, lorsque la mobilisation était la plus forte et que gouvernement et patronat craignaient qu’elle s’étende. Mais ces concessions, il les a faites en prenant bien soin que les capitalistes n’aient pas à mettre la main à la poche.

    ***

    Si les gilets jaunes ont bien réussi à poser la question du pouvoir d’achat, ils ne sont pas parvenus à la résoudre.

    Pour les travailleurs, les chômeurs et les retraités, commencer à résoudre la question du pouvoir d’achat ce sera d’abord imposer des augmentations de salaires, imposer des augmentations des allocations et des pensions de retraite.

    Cela demandera des mobilisations d’une ampleur bien plus grande ; et surtout cela demandera de s’attaquer directement au pouvoir du grand capital.

    Macron, en décembre dernier, s’est contenté d’un tour de passe-passe qui a consisté à prendre dans les caisses de l’État (c’est-à-dire dans nos poches !) pour augmenter un peu la prime d’activité ou à abandonner la hausse de la CSG pour une partie des retraités. Il est comme tous les politiciens bourgeois, qui proposent de fausses solutions pour tenter d’enrayer un peu la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs sans faire payer le grand patronat !

    C’est ce que propose une Marine Le Pen, par exemple, qui prétend financer une augmentation du Smic en taxant de 3 % toutes les marchandises et les services qui entrent en France. Le Pen veut faire croire que ce seraient les patrons étrangers qui paieraient cette taxe. C’est un mensonge grossier !  Ce ne sont ni les patrons étrangers, ni les patrons français de la grande distribution qui paieraient cette taxe. Ces 3 % seraient inclus dans le prix des marchandises comme l’est la TVA et ça serait nous, en tant que consommateurs, qui payerions la note au final.

    Éviter aux capitalistes de mettre la main au portefeuille, prendre d’une main dans la poche des travailleurs pour faire mine de leur donner de l’autre – voilà comment des Macron et des Le Pen prétendent résoudre la question du pouvoir d’achat posée par les gilets jaunes. Car leur but est toujours le même : protéger les intérêts de la bourgeoisie.

    L’intérêt des travailleurs est à l’opposé.

    Encore une fois, l’intérêt des travailleurs, c’est d’abord et avant tout que tous les salaires, toutes les allocations, toutes les pensions de retraites augmentent fortement – et pas seulement le smic !

    Car s’il n’est pas supportable de vivre avec le RSA, le minimum vieillesse, la pension d’invalidité ou le smic, il n’est pas plus supportable quand on a un emploi, de travailler de plus en plus et de ne pas arriver à boucler les fins de mois parce qu’on ne gagne que 1 300 ou 1 500 €.

    Alors l’argent pour financer ces nécessaires augmentations, il doit être pris là où il est, là où ça déborde, là où c’est plein à craquer ! Il doit être pris directement dans les profits des grandes entreprises. C’est aux capitalistes de payer et à eux seuls !

    Oui, ces augmentations sont urgentes et vitales. Mais elles ne suffiraient pas, à elles seules, à protéger sur un long terme le pouvoir d’achat des travailleurs. En 1968, la grève générale a imposé 30 % d’augmentation du smic. Mais en quelques années, l’augmentation des prix a annulé cette augmentation. Un exemple plus récent est tout aussi parlant : les gilets jaunes ont obtenu le gel pour un an de l’augmentation de la taxe des carburants. Mais le prix au litre n’a pas baissé pour autant, au contraire. Après une courte baisse, le prix du gasoil est remonté aujourd’hui au niveau où il était le 17 novembre dernier !

    Alors, dans les futurs combats sociaux, l’intérêt des travailleurs ne sera surtout pas de se limiter à imposer des augmentations de salaire. Il faudra imposer un système qui protège notre pouvoir d’achat contre l’inflation. C’est-à-dire qu’il faudra imposer que nos salaires, nos allocations, nos pensions de retraite augmentent en fonction de l’augmentation des prix car nous n’avons aucune raison de continuer à subir l’inflation.

    Je ne parle pas, évidemment, d’une indexation sur l’inflation officielle, qui sert de repère pour la minable augmentation annuelle du smic. Car nous savons tous qu’il y a un monde, un monde de mensonge et d’opacité, entre les chiffres truqués et retruqués de l’Insee et l’inflation réelle, celle que nous constatons chaque mois en faisant nos courses et en payant nos factures.

    Il suffit de rappeler que dans les modes de calculs de l’Insee, le loyer pèserait… moins de 6 % des revenus ! 6 % d’un salaire à 1500 euros, cela représente … 90 euros. Si quelqu’un connaît un bailleur qui propose des appartements à 90 euros par mois, qu’il se signale !

    Les seuls chiffres qui comptent, pour nous, ce sont ceux qui figurent, en rouge dès le 15 du mois, sur nos relevés de compte. Ce sont ceux qui s’affichent sur l’écran de la caisse enregistreuse à l’hypermarché. Et c’est sur ces chiffres-là qu’il faudra s’appuyer pour imposer l’indexation des salaires et des pensions sur les prix.

    Mais cela ne se fera jamais dans le cadre d’une loi votée bien sagement au Parlement : cela ne pourra se faire que dans le cadre d’une mobilisation consciente de l’ensemble du monde du travail.

    Dans ce domaine comme dans tous les autres, ce n’est pas sur des informations et des décisions venant de l’État que nous devons compter, c’est sur nous-mêmes, nous, les travailleurs qui sommes aussi des consommateurs !

    Chacun de nous constate déjà par lui-même directement l’augmentation des prix. Collectivement, organisés à l’échelle du pays, l’ensemble des travailleurs pourraient très facilement déterminer l’augmentation réelle des prix.

    Les travailleurs des hypermarchés qui eux sont au cœur du système de la grande distribution, de ceux qui sont au service achat jusqu’à ceux qui mettent les marchandises en rayon, peuvent révéler comment se fait l’augmentation des prix et surtout à qui elle profite. Comment par exemple, alors que les petits producteurs de lait n’arrivent pas à vivre de leur travail, le prix à la consommation du litre de lait ne cesse d’augmenter. Comment Leclerc ou Auchan imposent des rabais forcés à leurs petits fournisseurs qui sont écrasés.

    Oui, les travailleurs pourraient tout révéler de ce qu’ils savent des magouilles et des escroqueries de leurs patrons !

    Cela n’arrivera que lorsque les travailleurs seront suffisamment mobilisés pour passer outre les sacro-saintes règles patronales en matière de secret commercial et de secret des affaires.

    Mais nous en sommes certains : ce jour-là arrivera, parce qu’il arrivera un moment où ce sera le monde du travail tout entier qui fixera les règles, qui fixera ses règles.

    ***

    Il y a un autre problème qui est indissociablement lié à celui du pouvoir d’achat : c’est celui du chômage. Le chômage total ou partiel, la précarité, ont considérablement dévoré le pouvoir d’achat des classes populaires. Toutes les familles de travailleurs ont connu ou connaissent le chômage. Personne n’est épargné par ce cancer qui ronge la vie sociale et démolit des vies.

    Le chômage qui entre dans une famille, c’est la baisse à court terme du niveau de vie qui bien souvent mène à la misère.

    Mais le chômage pèse d’une autre manière sur le niveau de vie : c’est la peur du chômage, la peur de perdre son travail ou de ne pas en trouver qui force les travailleurs à accepter des salaires dérisoires, bien en-dessous de ce qu’il faudrait pour vivre dignement.

    Et s’y ajoute la pression permanente des dirigeants politiques prétendant que les chômeurs refusent de travailler, les traitant d’assistés et de fainéants alors qu’« il suffirait de traverser la rue pour trouver un emploi », comme l’affirmait Macron avec le cynisme des riches ; propagande écœurante relayée par tous les médias qui tendent le micro à tous ces petits patrons qui se plaignent de ne plus trouver personne qui aime travailler dur.

    Ah c’est sûr, travailler dans la restauration par exemple en alignant des horaires quasiment illimités pour gagner même pas le smic, ça ne fait envie à personne !

    Mais le chômage fait partie intégrante du système capitaliste. C’est la conséquence directe de la guerre que se livrent les capitalistes entre eux avec la peau des travailleurs.

    Au nom de la compétitivité, de la rentabilité, le grand patronat licencie, supprime des emplois et ferme des entreprises. Le grand patronat se sert de cette situation et en tire profit. Le chômage massif lui permet de disposer d’une masse de travailleurs de plus en plus importante pris au piège, obligés d’accepter des emplois encore plus mal payés qu’ils n’avaient avant, avec des contrats précaires et parfois loin de leur domicile.

    Le chômage permet au grand patronat de tirer sans grande difficulté les salaires vers le bas et de faire accepter à leurs travailleurs des sacrifices avec cet argument massue : « C’est ça ou la porte, j’en ai des dizaines dehors qui attendent ta place ».

    C’est bien le capitalisme lui-même qui est responsable de cette situation révoltante où d’un côté, des millions de travailleurs tournent en rond à Pôle emploi ou dans les agences d’intérim et crèvent au chômage pendant que de l’autre, des millions de salariés s’esquintent la santé et triment au boulot du fait des licenciements, des suppressions d’emplois, du sous-effectif permanent, et croulent sous les heures supplémentaires qui ne sont souvent même plus payées.

    Et se prépare la nouvelle attaque qui consiste à repousser l’âge du départ à la retraite de 62 à 65 ans dont l’objectif est de réduire encore un peu plus les pensions de retraite – et qui ne fera qu’augmenter le chômage.

    Alors oui, défendre le pouvoir d’achat des travailleurs et le protéger, ce sera aussi imposer que chacun ait un emploi avec un salaire décent. Licencier un travailleur en temps de crise économique c’est comme jeter un passager d’un bateau par-dessus bord en pleine tempête. C’est un crime. Un crime social. Fermer une entreprise sous prétexte que ses actionnaires ont décrété qu’elle n’est pas assez rentable devrait être interdit – interdit sous peine de réquisition immédiate, sans indemnité ni rachat !

    L’intérêt vital des travailleurs est d’imposer l’interdiction des licenciements et la répartition du travail entre tous sans baisse de salaire.

    ***

    Parties de la contestation de la hausse d’une taxe sur les carburants, les revendications des gilets jaunes se sont étendues à d’autres domaines de la vie sociale et politique comme la question de la justice fiscale ou du contrôle de l’utilisation de l’argent public, l’argent des impôts.

    Et c’est au fond assez logique. Quand on se mobilise à plusieurs dizaines de milliers de personnes pendant des semaines, on prend conscience que l’on représente une force collective, une force sociale. Et les revendications de départ sont vite dépassées.

    Et quand on en est à contester la politique du gouvernement que l’on juge protéger les riches avec la suppression de l’ISF, on en vient assez rapidement à se poser le problème de contrôler l’action du gouvernement, entre autres dans le domaine fiscal.

    Après tout, l’argent public, c’est l’argent des impôts, qui est de moins en moins payé par les riches et de plus en plus par la population laborieuse. Il est donc logique que les gilets jaunes et que tous les travailleurs se posent le problème de la manière dont on pourrait contrôler l’utilisation de l’agent des impôts, qui est principalement le nôtre.

    Mais s’il est logique de contrôler l’argent public, il l’est tout autant de contrôler les gigantesques sommes brassées par le privé.

    Les dirigeants politiques entretiennent volontairement les mensonges aussi sur ce terrain, en créant une division artificielle entre l’argent de l’État, qui serait « public », et l’argent des groupes capitalistes, qui serait « privé » et donc, n’aurait à être contrôlé par personne.

    Mais d’où vient l’argent des entreprises privées ? Pour une partie, des milliards que l’État leur verse à fonds perdus sous forme d’aides diverses ; et pour une partie bien plus grande encore, du fruit de l’exploitation de millions de travailleurs. Autrement dit, par quelque bout qu’on prenne les choses, l’argent des capitalistes, vient de notre travail !

    Ces milliards sont pourtant la propriété privée des actionnaires des grandes entreprises et ils en disposent comme bon leur semble. De leur utilisation, ils ne rendent de compte à personne. Ni à Macron, ni aux députés et encore moins aux travailleurs.

    Les seules 40 plus grandes entreprises du pays ont réalisé près de 88 milliards de bénéfices en 2018.

    Le groupe PSA a déclaré un bénéfice de 3,3 milliards € pour 2018. Ce nouveau record est évidemment le fruit du travail de tous les salariés de PSA, qu’ils soient CDI, précaires ou sous-traitants. Mais en fait, c’est même bien plus large que cela. Pour que les milliers de camions acheminent les pièces dans les usines de PSA, il faut des routes, des autoroutes. Il faut des services publics pour emmener les salariés dans les usines. Il faut des infrastructures permettant d’avoir de l’électricité, il faut un réseau de télécommunications. Il faut aussi des services de santé pour soigner les travailleurs, des écoles pour former leurs ingénieurs…

    Autrement dit, au-delà même de l’exploitation directe des milliers de salariés du groupe PSA et de ses sous-traitants, c’est l’existence de toute une collectivité organisée socialement, de dépenses et d’investissements réalisés par cette collectivité, qui permettent l’existence même de ces profits.

    Et pourtant ils restent la propriété privée de quelques personnes.

    Ceux qui ont le contrôle sur l’utilisation de ces bénéfices se réduisent à quelques richissimes actionnaires qui décideront, par exemple, d’en injecter une grande partie dans la spéculation parce que faire de l’argent avec de l’argent est aujourd’hui bien plus rentable à court terme que d’investir dans la production.

    C’est bien ce fonctionnement irrationnel que doivent remettre en cause les travailleurs. Ce qui veut dire s’attaquer à la propriété privée des grands moyens de production et revendiquer de contrôler les décisions prises dans les conseils d’administration.

    Puisque ces richesses sont le fruit du travail de toute la société, c’est à la collectivité de contrôler leur utilisation. Et cela aussi, le monde du travail, dans son ensemble, a les moyens de le faire.

    Non seulement les travailleurs produisent tout dans cette société, font tout fonctionner, mais en plus, ils contrôlent toutes les étapes, les moindres détails de l’activité économique. Pour un constructeur automobile, personne n’imagine que c’est Robert Peugeot ou un des rejetons de la famille qui vient contrôler si les voitures se fabriquent bien comme il faut. Ce n’est même pas Carlos Tavares, le PDG, ni même les grands directeurs ! Non c’est une armée de femmes et d’hommes qui assurent le travail et qui, de fait, en contrôlent chaque détail.

    Ce sont les magasiniers qui savent prévoir les ruptures de stocks et qui alertent avant que cela ne devienne un problème. Ce sont les caristes qui trouvent des solutions pour stocker le trop-plein de pièces. Ce sont les ouvriers qui voient les défauts de production sur les caisses. 

    Et ce qui est vrai pour l’industrie automobile est vrai pour chaque secteur d’activité : tout le fonctionnement de la société repose déjà sur la capacité de contrôle des travailleurs. Ce sont les infirmières qui contrôlent le contenu des perfusions qu’elles posent aux patients, les travailleurs du secteur de l’énergie qui contrôlent la sécurité et la fiabilité des réseaux d’électricité ou de gaz, ceux du bâtiment qui savent si une construction sera solide ou pas, ce sont les cheminots qui contrôlent chaque jour la sécurité du réseau ferré.

    Oui, ce sont bien les travailleurs qui contrôlent toutes les étapes de la production dans une entreprise, quelle qu’elle soit. Mais cela se fait au seul profit de la bourgeoisie. C’est le grand capital qui décide des choix économiques, industriels et financiers. Et ses décisions, prises dans le secret des conseils d’administration et sans contrôle de quiconque, ont un impact profond sur toute la société.

    Quand Vallourec décide de se débarrasser de l’usine Ascoval, quand Ford décide de fermer le site de Blanquefort, quand PSA ferme les usines de Saint-Ouen et d’Hérimoncourt, ce sont, au bout de la chaîne, des milliers d’emplois supprimés, de sous-traitants obligés de licencier, des artisans et des commerçants qui perdent leur clientèle – des villes entières parfois, qui meurent à petit feu de ces décisions.

    Et ce n’est pas vrai uniquement des fermetures d’entreprises : les choix faits par les industriels ont aussi des conséquences dramatiques sur l’environnement, sur la santé, sur la sécurité des personnes…

    Alors, ce qui est au fond étonnant, ce n’est sûrement pas de réclamer que la population puisse contrôler les agissements de ces gens-là ! Ce qui est anormal, c’est que des décisions aussi fondamentales pour toute la société puissent être prises sans contrôle, par de petits cercles d’irresponsables uniquement guidés par la soif de leur profit.

    Alors, il paraît que Clemenceau disait : « La guerre est une chose trop grave pour être confiée aux militaires ». Eh bien, nous disons : « La bonne marche de la société est une chose trop grave pour être confiée aux capitalistes ! » Et la société, qui marche sur la tête aujourd’hui, ne reviendra sur ses pieds que lorsque toutes les décisions seront prises sous le contrôle du monde du travail, c’est-à-dire de la population tout entière !

    · Imposer l’augmentation des salaires et des retraites et leur indexation sur la hausse des prix.

    · Imposer l’interdiction des licenciements avec l’embauche massive des chômeurs pour se répartir le travail entre tous sans diminuer les salaires.

    · Imposer le contrôle des travailleurs sur les décisions des grandes entreprises.

    Voilà le programme de lutte que nous tenons à défendre dans ces élections européennes ! Voilà les objectifs de lutte que nous voulons populariser dès aujourd’hui, parce qu’ils seront indispensables demain, lorsque les travailleurs auront repris confiance dans leur force collective.

    ***

    Ces revendications essentielles ne pourront être imposées que dans le cadre de larges combat sociaux, profonds et déterminés, guidés par une conscience de classe aiguë.

    Nous faisons tous le constat que les travailleurs sont encore loin de cette nécessaire combativité et de cette conscience. Mais le travail des militants communistes révolutionnaires est justement de défendre des idées qui seront utiles aux travailleurs quand ils auront retrouvé le chemin des luttes collectives. Et cela commence par défendre l’idée que les travailleurs doivent avoir conscience d’appartenir à un camp, à une classe sociale qui a des intérêts diamétralement opposés à ceux de la bourgeoise.

    C’est d’abord et avant tout d’avoir conscience de qui sont nos véritables ennemis dans cette société : la bourgeoisie et son système, le capitalisme.

    Un des slogans les plus repris du mouvement des gilets jaunes est « Macron démission ». C’est assez naturel. Macron en tant que président de la République est responsable d’une grande partie des attaques anti ouvrières. Sauf qu’en réalité, ce ne sont pas Macron et ses ministres les vrais décideurs. C’est le grand capital.

    La bourgeoisie a besoin d’un serviteur à la tête de l’Etat qui prenne toutes les mesures nécessaires pour défendre et protéger ses intérêts. Un serviteur dévoué, sans états d’âmes, qui ne craint pas de se salir les mains. Macron, c’est en quelque sorte… le Benalla du grand capital !

    Quand Nicolas Hulot, ministre de l’Écologie, numéro 2 du gouvernement, a démissionné en octobre dernier, la raison qu’il a invoquée – et c’est peut-être son seul instant de sincérité – était son impuissance face aux « lobbys », c’est-à-dire les représentants des actionnaires de puissants groupes industriels. Le lobby du nucléaire, le lobby des industriels du plastique, celui des pesticides, du pétrole, de l’automobile. Face au pouvoir de ces capitalistes, le pouvoir d’un ministre d’État ne pèse rien.

    Et en quelque sorte, le lobby le plus puissant, celui qui dirige réellement les affaires du pays, c’est la bourgeoisie elle-même. Ce sont ces grandes familles capitalistes, les familles Bettencourt, Arnaud, Bolloré, Peugeot, Mulliez, Michelin, Dassault, qui possèdent à eux toutes seules des centaines de milliards et les principaux moyens de production.

    Le plus riche d’entre eux en France, est Bernard Arnault. D’après le dernier palmarès du magazine Forbes, il se classe au 4e rang des hommes les plus riches du monde : sa fortune personnelle s’élève à près de 67 milliards €. Sur les réseaux sociaux circule un calcul qui permet de réaliser ce que représente cette somme insensée : si notre ancêtre l’australopithèque Lucy, née il y a plus de 3,2 millions d’années, avait touché le SMIC chaque mois et sans en dépenser un seul centime, sa fortune ne serait aujourd’hui que de 47 milliards €… c’est-à-dire 20 milliards de moins que ce que Arnaud a accumulé en quelques dizaines d’années ! Dans la seule année de 2018, Bernard Arnault a gagné 3,5 milliards d’euros. Alors on peut dire qu’il est lui aussi un smicard… mais un smicard un peu spécial qui a gagné un smic toutes les 20 secondes, 3 smic à la minute.

    Alors, désigner Macron comme l’ennemi principal et se contenter de dénoncer le macronisme, comme le fait par exemple Jean-Luc Mélenchon, c’est tromper volontairement les travailleurs, c’est continuer à protéger les vrais responsables du système, la bourgeoisie et le grand capital. C’est protéger un système économique nuisible qui fonctionne non pas pour satisfaire les besoins élémentaires de la population laborieuse mais pour protéger, augmenter les fortunes de ces privilégiés.

    ***

    Pour défendre leurs conditions de vie, pour défendre leur droit à une vie digne, les travailleurs n’auront pas d’autres choix que de s’attaquer aux intérêts de la bourgeoisie en contestant son pouvoir sur la société.

    Depuis les années 70, le capitalisme est entré en crise. Cette crise économique, loin de s’atténuer ne fait que de s’approfondir au fil des années et s’aggrave régulièrement par des krachs boursiers comme celui de 2008. Cette aggravation de la crise rend encore plus brutale la concurrence que se livrent les capitalistes entre eux. Plus le gâteau se réduit, plus la lutte qu’ils se livrent pour en avoir une part est féroce.

    C’est au nom de la compétitivité que les capitalistes justifient les licenciements, les suppressions d’emplois, les baisses de salaires, les attaques contre les droits collectifs des travailleurs. Chacun cherche à être plus compétitif, moins cher que son concurrent pour lui prendre des parts de marchés. Cette lutte se fait avec la peau des travailleurs car il n’est pas question pour les capitalistes de rogner sur leurs profits et sur leurs dividendes – quitte à emmener toute la société dans le mur.

    Alors inévitablement, cette politique entraînera des contestations, des mobilisations sociales, dont celle des Gilets jaunes n’est pas la dernière. La mobilisation des gilets jaunes, tout comme les manifestations en Algérie, nous conforte dans notre conviction profonde que c’est par le bas que viendra le changement.

    Un mouvement social, c’est comme une rivière qui déborde. On ne sait à l’avance ni où, ni comment, ni par quel chemin ça va déborder. Ce que nous savons, parce que nous sommes communistes, c’est que ça va déborder.

    Quand ? Nous ne pouvons pas le savoir, parce que ça ne dépend pas de nous.

    Est-ce que quiconque, dans cette salle, aurait pu prévoir le 17 octobre dernier qu’un mois plus tard débuterait une mobilisation qui durerait des mois, entraînant plusieurs centaines de milliers de femmes et d’hommes qui, dans leur écrasante majorité, n’avaient jamais manifesté ni fait grève de leur vie ?

    Ce ne sont en général pas les révolutionnaires qui sont à l’origine des grèves, et encore moins des révoltes ni même des révolutions. Ce sont les gouvernements et les patrons qui en sont à l’origine. C’est Macron avec sa hausse de la taxe sur les carburants. C’est le pouvoir algérien en décidant de faire rempiler Bouteflika pour un 5emandat présidentiel.

    Le problème des révolutionnaires, c’est de se préparer pour le moment où ça va déborder pour aider les travailleurs à prendre le bon chemin, celui qui fera aller la contestation le plus loin possible, celui qui fera progresser la conscience de classe le plus loin possible.

    Et se préparer, cela veut dire dès aujourd’hui, dès maintenant, défendre des idées, des perspectives politiques, des objectifs de lutte qui seront utiles aux travailleurs quand ils auront décidé de reprendre le chemin de la lutte sociale.

    Ce qui dépend de nous, c’est de faire ce travail militant et de le faire inlassablement, avec opiniâtreté, contre vents et marées, quoi qu’il arrive, quelles que soit les idées à la dernière mode, quelque soient les courants dominants, la démoralisation ambiante et surtout quels que soient les scores électoraux que nous puissions faire.

    En Algérie, la population crie : « Ils ont les millions, nous sommes des millions ! ». C’est de cette idée dont les travailleurs doivent se pénétrer, cette idée que les militants ouvriers ne doivent jamais oublier.

    Oui, nous sommes des millions ! Et quand ces millions ne supporteront plus la vie que les privilégiés leur font subir, quand ils décideront de ne plus accepter leur sort, quand ils décideront de relever la tête, convaincus qu’il n’y a plus d’autre solution que de se battre pour une vie meilleure, tout deviendra possible !

    Oui, nous sommes des millions ! Mais tant que ces millions ne seront que des individus, pris un par un, divisés, morcelés, gangrénés par l’individualisme et le fatalisme que la société bourgeoise distille à chaque instant – le capitalisme pourra continuer à nuire.

    Un grain de sable, isolé, ce n’est qu’un peu de poussière. Mais des millions de grains de sable liés avec du ciment, cela donne le béton avec lequel on a bâti le monde.

    Pour nous les travailleurs, ce ciment, le ciment qui pourra nous lier entre nous, c’est notre conscience – la conscience de nos intérêts collectifs, la conscience de notre force sociale, la conscience d’appartenir à la même classe !

    Reliés par ce ciment, les millions d’individus isolés qui composent le monde du travail se transformeront en un seul bloc et ce jour-là, camarades, rien ne lui résistera !

    C’est dans cette perspective qu’inlassablement, face au grand capital, le vrai responsable de tous les maux de cette société barbare, nous allons continuer à faire entendre le camp des travailleurs.

    Parce que nous gardons intacte en nous, chevillée au corps, cette conviction précieuse, vitale : la confiance inébranlable dans la capacité de la classe ouvrière à se révolter et à changer le monde.

    Partager