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Fête d'Argenteuil : discours de Nathalie Arthaud

J’ai conclu bcp de meetings en affirmant que les travailleurs n’accepteront pas éternellement le sort qui leur est fait et qu’il y aurait la mesure de trop, la goutte d’eau qui ferait déborder le vase. Eh bien je pense que cela devient plus concret avec la fronde des gilets jaunes.

Il ne s’agit pas encore d’une explosion sociale. La contestation des gilets jaunes n’a mis en mouvement qu’une fraction des classes populaires. Mais on a vu s’engager dans la contestation des salariés qui n’avait parfois jamais fait grève ni même manifesté de leur vie. On a vu des femmes que l’on n’entend jamais et qui jonglent avec quelques heures de boulot, les enfants, on les a vues se transformer en meneuses. Des retraités se sont transformés en rebelles comme pas mal d’indépendants, des artisans, des commerçants qui bien souvent ne sont pas plus riches que les salariés et qui sont aussi frappés par la crise.

Ensemble, et en dehors de tout cadre syndical ou politique, ils ont trouvé le moyen de s’organiser en occupant les ronds-points et en manifestant. Et puis ils ont fait preuve de détermination ! Aujourd'hui, après trois mois de mobilisation, beaucoup ont raccroché leur gilet. Mais il y a encore eu des dizaines de milliers de femmes et d’hommes qui ont manifesté aujourd'hui, pour le 12esamedi consécutif ! Et ce malgré la violence des forces de l’ordre vis-à-vis des manifestants, les centaines de blessés graves et malgré l’opération d’enfumage de grand débat national !

Alors oui, la capacité de révolte collective des classes populaire est bel et bien là, et quand elles se mettent en mouvement, et bien elles nous surprennent par leur inventivité et par leur ténacité. Pour nous c’est plus qu’une bouffée d’oxygène, c’est la confirmation de nos convictions. Oui, la société changera par en bas, au travers de révoltes sociales où les travailleurs, prendront conscience de leurs intérêts et du combat à mener contre le grand patronat qui domine toute la société !

La révolte oui, mais avec des travailleurs conscients de leurs intérêts et de leur combat

La crise des gilets jaunes nous conforte aussi dans notre objectif de construire un parti qui représente les intérêts des travailleurs et qui soit capable de faire progresser la conscience dans le monde du travail. Parce que ce mouvement a été composé majoritairement d’ouvriers, de chômeurs, de précaires, de retraités du monde du travail. Mais les intérêts spécifiques des travailleurs s’y sont très peu exprimés si ce n’est de manière partielle et confuse.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase a été l’augmentation des taxes sur le carburant. La revendication a réuni des salariés forcés de faire des km pour aller travailler, mais aussi nombre d’indépendants et petits patrons. Puis ils ont élargi leurs revendications à la démission de Macron, au fonctionnement des institutions, au pouvoir d’achat, à la justice fiscale… mais sans s’attaquer directement à la classe capitaliste, à ses profits et à son pouvoir.

L’apolitisme revendiqué par les gilets jaunes a été l’expression de la défiance vis-à-vis de tous les politiques, mais aussi un moyen de taire les désaccords et les oppositions pour préserver l’unité. Et de fait, les revendications des travailleurs qui les opposent au patronat ont été édulcorées ou sont passées au second plan. Les travailleurs ne défendront pas leurs intérêts en recherchant un consensus qui ne peut pas exister dans la population.

La société est divisée en classes sociales et les intérêts des travailleurs s’opposent à ceux du grand patronat. Pour que les travailleurs fassent réellement avancer leur sort que ce soit en matière d’emploi, de salaire ou de retraite, il faut prendre sur les profits c’est-à-dire qu’il faut s’attaquer à la classe capitaliste. Il faut que les travailleurs soient conscients appartenir à un camp qui doit se battre pour ses intérêts contre le grand capital qui domine aujourd’hui toute la société.

La conscience de classe, ce n’est même pas réclamer « le partage des richesses ». C’est être conscient que la bourgeoisie ne partage pas et que les travailleurs ont à la combattre et que l’aboutissement de ce combat doit être le renversement de cette classe bourgeoise et du système capitaliste.

Derrière la politique anti-ouvrière de Macron, les méfaits de la classe capitaliste

Aujourd'hui tous les regards sont tournés contre Macron. Et c’est bien naturel, il est président de la république et il porte une grande responsabilité dans le recul des conditions de vie de la classe ouvrière.

Sa politique, tout le monde le dit et le répète, est favorable aux 0,1 % les plus riches. Lorsqu’il fait un geste en faveur des classes populaires, que ce soit l’augmentation de la prime d’activité ou la baisse de la taxe d’habitation, il nous le fait payer d’une façon ou d’une autre. Nombre de salariés, de cheminots subissent aujourd'hui l’impact des réformes anti ouvrières de Macron. Et demain ce sera le tour des fonctionnaires et des chômeurs parce que, comme Macron l’a dit en marge d’un déplacement du grand débat « Les gens en situation de difficultés, on va davantage les responsabiliser, car il y en a qui font bien et il y en a qui déconnent. »

Vous remarquerez que même aujourd'hui, alors qu’il est reparti en campagne pour redorer son blason, il ne peut s’empêcher d’étaler son mépris vis-à-vis du monde du travail…

Alors oui, Macron n’a pas volé le rejet voire la haine qu’il inspire. Mais il faut aussi comprendre qu’il sert de paratonnerre. Il est le réceptacle de la foudre sociale et il protège les véritables profiteurs de la situation, ceux qui tirent les ficelles et qui dominent toute l’économie : les capitalistes.

Et indépendamment de Macron, la domination de cette classe capitaliste nous mène à la catastrophe. Parce qu’on est crise, parce qu’on est englué dans la crise et on n’en sortira pas.

Toute l’histoire du capitalisme est ponctuée de crises régulières, mais à ses débuts, cela ne l’empêchait pas de connaître, entre deux crises, de vraies périodes de développement. Ce n’est plus cas aujourd'hui. Depuis la crise de 1971 nous sommes en crise permanente, parce que le capitalisme n’a plus de perspectives de développement de la production.

Les marchés sont saturés, la surproduction est généralisée et elle condamne l’économie mondiale au marasme. Pour accroître ses profits, la bourgeoisie n’a plus que deux solutions.

La première, c’est de participer à la guerre commerciale en se montrant encore plus féroce que ses concurrents pour leur piquer des parts de marché, et imposer au nom de la compétitivité, des suppressions d’emplois, l’écrasement des salaires, l’aggravation des cadences et de la flexibilité. Et cela vaut aussi pour les services publics, pour la poste, les hôpitaux que l’Etat ne peut plus financer correctement parce qu’il consacre de plus en plus d’argent à soutenir le grand patronat !

Et puis le second moyen qu’a la bourgeoisie de garantir et d’augmenter ses profits, c’est d’investir dans un secteur qui offre lui, des débouchés illimités : la finance. C’est ainsi que des sommes extravagantes alimentent chaque jour la spéculation et menacent d’emporter toute l’économie dans un nouveau krach.

Le capitalisme nous condamne à la crise et à une lutte de classe de plus en plus féroce de la part de la bourgeoisie. Et les victimes ne sont pas seulement les ouvriers et employés, mais aussi nombre de petits patrons, commerçants et artisans qui, tout en travaillant d’arrache-pied, ne vivent pas mieux que la moyenne des salariés.

En réalité toute la société, et même la planète, va vers la catastrophe. Parce qu’on peut parler de l’écologie et on n’en a jamais autant parlé, mais il n’y a pas le début d’une solution.

La crise du capitalisme, les rivalités entre les bourgeoisies nationales, nous ont déjà menés à deux guerres mondiales. Aujourd'hui des millions de femmes et d’hommes chassés de leurs pays par la guerre, l’oppression ou la misère s’entassent dans les camps infâmes ou sont traqués et condamnés à errer de pays en pays quand ils ne meurent pas dans la traversée de la Méditerranée. Il y a partout des foyers de guerre qui menacent de se transformer en une guerre plus générale parce qu’ils sont aussi le théâtre de rivalités des grandes puissances.

Et puis, on assiste partout à la montée de l’extrême droite et à l’emprise croissante des idées réactionnaires. Dans toute l'Europe, la crise économique, les plans d'austérité, le chômage, le désespoir face à l'avenir, nourrissent des courants nationalistes, xénophobes et anti-européens.

En Hongrie, en Autriche, en Italie, des partis d'extrême droite sont au pouvoir. En Suède et en Allemagne les dernières élections ont marqué un renforcement de l’extrême droite.

Les Le Pen, les Salvini, Orban et Cie disent défendre les intérêts des plus pauvres en empêchant les migrants de mettre le pied en Europe. Mais ils sont aussi anti ouvriers qu’ils sont anti migrants ! En Hongrie par exemple, Orban vient d’autoriser les patrons d'exiger de ses salariés jusqu'à 400 heures supplémentaires par an, payables jusqu’à trois ans plus tard !

A toutes les époques, les patrons ont cherché à dresser les travailleurs dits « nationaux » contre les étrangers. En face, le mouvement ouvrier a opposé le mot d'ordre « travailleurs de tous les pays, unissez-vous ». Les premiers militants socialistes puis communistes ont opposé l'internationalisme au patriotisme, le drapeau rouge au drapeau tricolore !

Eh bien nous devons retrouver ces valeurs du mouvement ouvrier. Nous devons nous démarquer du chauvinisme et du nationalisme que tous reprennent à leur compte, y compris les partis dits de gauche. Tous ceux qui montrent du doigt l'étranger, l'Europe ou l'Allemagne, exonèrent les patrons, bien français, de leurs responsabilités dans la crise et le chômage !

Autrement dit, le capitalisme nous plonge dans un monde de plus en plus barbare, militer pour défendre parmi les travailleurs la nécessité de renverser la bourgeoisie et son ordre pourrissant est la seule perspective.

Attention aux illusions électoralistes

Toute la société est écrasée par le rouleau compresseur du grand capital. Nous ne résoudrons pas le problème en changeant de président, en rafraichissant les institutions ou en instaurant le référendum d’initiative citoyenne !

Cela fait des décennies que l’on vote pour changer de président et que rien ne change ! On a toujours droit à la même politique anti-ouvrière. Parce que gouverner dans le cadre de la domination du grand capital, c’est forcément se soumettre à sa loi.

La minorité capitaliste monopolise dans ses mains une masse de capitaux et détient plus de pouvoir économique que les présidents ne peuvent en avoir à la tête de l’État. C’est cette minorité de grands bourgeois, non élue qui gouverne les grands groupes industriels et financiers et fait la pluie et beau temps sur l’économie, pas les gouvernements. C’est le pouvoir des actionnaires de Ford ou de PSA de fermer une usine, celui de Sanofi ou Renault de gaver leurs actionnaires et de bloquer les salaires. C’est le pouvoir de Vinci de transformer les autoroutes en caisse enregistreuse, ou encore celui des banques de se transformer en salles de casino.

Quant à croire qu’il suffirait de nouvelles lois pour combattre la rapacité des capitalistes, c’est un leurre. Quand les lois qui encadrent le fonctionnement des entreprises les gênent un tant soit peu, ils ont mille et un moyens de les contourner ou de les ignorer. Combien de patrons ne payent pas les heures supplémentaires de leurs salariés, combien de travailleurs enchaînent des horaires délirants en toute illégalité. Et cela se fait souvent parce que les travailleurs eux-mêmes s’interdisent de revendiquer leur droit par peur de perdre leur boulot !

Alors non, on n’arrêtera pas les méfaits du grand capital en multipliant les appels au vote et les lois.

Le pouvoir de la bourgeoisie de faire ce qu’elle veut de ses capitaux et sa force sociale ne dépendent pas des institutions. Ils viennent de ce qu’elle concentre entre ses mains les capitaux. Eh bien si on veut lui enlever son pouvoir de nuisance, il faut lui enlever ses capitaux, c’est-à-dire l’exproprier.

Le mouvement des gilets jaunes a exprimé la volonté de mieux contrôler ce que font l’État et les élus de l’argent de nos impôts. C’est légitime. Mais contrôler ce que fait la classe capitaliste des richesses créées par l’ensemble du monde du travail l’est tout autant.

On revendique que le budget de l’Etat et l’argent public soient dépensés le plus utilement possible. Pourquoi ne pas en faire autant pour les capitaux accumulés par les entreprises ?

L’utilisation de ces capitaux échappent à la société au prétexte qu’ils sont propriété privée. Il est interdit de contrôler l’usage fait de ces capitaux. Il est interdit de les réquisitionner quand bien même la société en aurait un besoin urgent pour investir dans le logement, les transports, la santé ou l’éducation et ce alors qu’ils sont créés par le travail collectif de dizaines de milliers de travailleurs. C’est ce qu’il faut changer.

Une infime minorité décide seule de choix engageant toute la société. La véritable démocratie et le « pouvoir du peuple » n’auront de sens qu’une fois cette minorité détrônée, quand toute la population pourra donner son avis et surtout participer aux décisions sur la façon de gérer collectivement les grandes entreprises qui dominent l’économie. Ce qui nécessite d’exproprier le grand capital et de collectiviser les moyens de production.

Il y a un tabou à faire tomber, le tabou du capitalisme et de la propriété privée. On nous met dans le crâne depuis toujours que le capitalisme, c’est d’abord la liberté et le respect de la propriété privée.

Mais c’est surtout la liberté et la propriété privée des plus riches. Car quelles sont celles des travailleurs ? Où est la liberté pour les six millions d’entre nous qui sont condamnés au chômage ? Pour ceux dont les salaires sont tellement bas qu’ils ne permettent même pas de régler toutes les factures ? L’écrasante majorité des travailleurs ne choisissent ni leur métier ni leur entreprise. Et une fois embauchés, ils obéissent aux ordres, aux horaires et aux rythmes imposés.

Quant à la propriété privée du monde du travail, elle se réduit à bien peu de choses. Nombre de salariés, d’employés sont dans l’incapacité de s’acheter ne serait-ce qu’une voiture correcte. Et pour acheter un appartement ou une petite maison, la plupart d’entre eux sont forcés de s’éloigner des villes et de leur lieu de travail. Et dès qu’il y a un licenciement ou un « accident de la vie » comme on dit, eh bien on perd tout ! Et combien de patrons petits et moyens ont fini ruinés ou avalés par plus gros d’eux ?

Derrière ce principe prétendument sacré de la propriété privée, il y a surtout le droit de la bourgeoisie d’exproprier tout le monde à son profit ! Le respect de la propriété privée fait partie des chaînes que les travailleurs doivent briser. Marx disait : « il faut exproprier les expropriateurs » ; c’est plus vrai que jamais.

Les consciences des travailleurs n’en sont pas là

Cette conscience révolutionnaire est loin de l’état d’esprit actuel des travailleurs.

L’expropriation du grand capital et la collectivisation des grands moyens de production peuvent paraitre éloignés et décalés par rapport aux revendications élémentaires des travailleurs. Le droit de disposer d’un travail pour ceux qui n’en ont pas, d’un pouvoir d’achat pour faire face aux dépenses quotidiennes de la famille, d’une retraite convenable. Le droit de vivre dignement, tout simplement. En réalité les deux sont indissociables.

Avec la crise, dans cette situation où la bourgeoisie est à l’offensive pour reprendre des droits aux travailleurs, toute revendication sérieuse venant des salariés fera l’objet d’une lutte âpre et difficile. Et lorsque les travailleurs se battront vraiment pour leurs intérêts de classe, ils feront leur expérience et réaliseront que tant que la bourgeoisie tient les rênes des grands groupes industriels et financiers, elle les baladera et que le seul moyen d’avancer réellement, c’est de contrôler ce qui se passe dans les entreprises. C’est de savoir quelles sont réellement les marges bénéficiaires et où passent les profits, combien sont investis, combien sont versés aux actionnaires…

Et la question du pouvoir et de l’expropriation de la bourgeoisie se posera comme elle s’est déjà posée lors des grandes luttes sociales. C’est alors que « la classe ouvrière prendra conscience de cette vérité que, si elle veut vivre, le capitalisme doit mourir », comme l’affirmaient les communistes des années 1920.

La lutte pour les revendications quotidiennes immédiates et la lutte pour l’émancipation totale des travailleurs ne doit faire qu’un seul et même combat. Et bien il faut que dès aujourd'hui les travailleurs les plus combatifs s’en convainquent : militer pour les intérêts des travailleurs, c’est militer pour la révolution sociale.

Quel que soit le devenir du mouvement des gilets jaunes et la conclusion du grand cirque qu’est le grand débat national, le mécontentement ne peut que grandir. La crise va pousser de plus en plus de gens à agir… Non seulement les travailleurs salariés, mais aussi nombre d’autres catégories sociales qui sont seront eux aussi frappés par la crise, les petits patrons, des artisans, les agriculteurs… Et des révoltes viendront de tous les côtés. Mais de toutes ces révoltes, nous pensons que celle qui peut offrir un avenir à la société est celle des travailleurs.

Notre choix de nous adresser spécifiquement aux travailleuses et aux travailleurs vient du fait qu’il n’y a pas de classe sociale mieux placée pour renverser la bourgeoisie. La révolution sociale dépend du monde du travail, et en premier lieu des exploités rassemblés dans les bastions capitalistes que sont les grandes entreprises.

Ce n’est pas qu’ils ont une conscience révolutionnaire supérieure aux autres. Comme c’est le cas de tous les exploités en dehors des périodes révolutionnaires, ils acceptent leur sort et ils sont marqués par les valeurs diffusées par le capitalisme, que ce soit l’individualisme, la réussite personnelle ou le nationalisme.

Mais ce qui caractérise les travailleurs, c’est qu’ils sont au cœur même de ce qui fait le pouvoir de la bourgeoisie : les entreprises où ce sont eux qui créent les richesses. Et ils sont en butte directe avec la bourgeoisie. Pour sauver leurs conditions d’existence, ils sont forcés de s’y affronter. Il suffit de franchir la porte d’une entreprise pour comprendre qu’il faut se défendre au quotidien. Que ce soit pour résister aux cadences, se faire payer ses heures de travail ou tout simplement pour se faire respecter.

Cette résistance s’exerce de plein de façons : on peut trainer les pieds, faire semblant de ne pas avoir entendu tel ou tel ordre, pétitionner, se rassembler pour aller voir collectivement la direction, débrayer jusqu’à se mettre en grève. Et c’est là, au cours de cette action collective que les travailleurs découvrent leur puissance sociale et leur capacité à changer le rapport de force avec le patronat.

Mais c’est une chose de se battre à une échelle individuelle ou à l’échelle de son entreprise, c’en est une autre de le faire à l’échelle de toute la société. Et cela dépend de l’existence d’un parti et de militants qui propagent un programme correspondant aux intérêts matériels et immédiats de tous les travailleurs pour lesquels ils doivent se battre :

- un emploi pour chacun, parce que tout le monde devrait avoir un emploi avec un salaire correct. S’il n’y a pas assez d’emplois, il faut répartir le travail entre tous.

- un pouvoir d’achat garanti par l’indexation automatique des salaires et des retraites sur les prix. Il est inacceptable que s’accroisse sans cesse le nombre de travailleurs pauvres, des femmes et des hommes qui, tout en apportant leur contribution au fonctionnement de la société, sont poussés vers la misère matérielle et morale. Leur travail a précisément créé les richesses que la minorité richissime s’approprie et dilapide.

Notre raison d’être de militants communistes révolutionnaires est d’aider faire la classe ouvrière à mener ses combats jusqu’à ce qu’elle accéder à cette conscience que la tâche de transformer la société dépend d’elle et qu’elle en est capable.

Quant à savoir si les travailleurs seront capables de faire tourner l’économie sans la bourgeoisie, c’est une évidence ! Dans l’écrasante majorité des cas la bourgeoisie ne met même pas les pieds dans les entreprises qui la font vivre, à supposer qu’elle connaisse celles dont elle est actionnaire ! La bourgeoisie ne dirige pas, elle passe à la caisse et demande toujours plus ! Ce sont les travailleurs qui font tout tourner. Aujourd'hui c’est pour le compte d’une minorité parasite, demain, ils pourront la faire tourner pour le plus grand nombre.

Collectivement, la classe ouvrière a la capacité de réorganiser l’économie au service du plus grand nombre. Et ce pouvoir, elle l’exercera mille fois mieux que la bourgeoisie.

Oui, les travailleurs et les classes populaires sont tout à fait capables de diriger la société. Prenez les salariés des Ehpad qui se dévouent aux côtés des anciens pour un salaire de misère. Prenez les ouvriers qui s’esquintent la santé sur les chantiers du bâtiment et des travaux publics. Prenez les ouvriers des chaînes de montage, prenez les bataillons du nettoyage, du gardiennage et de la grande distribution…

Ces femmes et ces hommes savent ce que cela veut dire travailler et devoir se serrer la ceinture. Ils représentent mille fois mieux la vie et les intérêts de la majorité de la population. Et nul doute que s’ils accédaient au pouvoir, ils auraient, eux, pour priorité de satisfaire les besoins essentiels des plus pauvres.Et tous les problèmes qui apparaissent aujourd'hui comme insolubles : loger tout le monde, soigner, donner du travail et de l’éducation à tous, accueillir les migrants… trouveraient leur solution parce que les décisions ne seraient plus guidées par les intérêts égoïstes d’une minorité.

Les élections européennes

Pour finir, deux mots sur les élections européennes. LO présentera une liste aux européennes que je conduirai pour y défendre les idées que je viens de développer.

Sur la question de l’Europe nous affirmerons notre internationalisme. Nous sommes de ceux qui affirmons fièrement que notre pays c’est la terre, et notre patrie, l’humanité. C’est dire que nous pensons que l’Europe devrait être unifiée depuis déjà longtemps !

L’histoire, l’économie, la vie sociale des différents pays européens est étroitement entremêlée. Les entreprises se déploient à l’échelle européenne. Il suffit de quelques heures d’avion pour traverser deux, trois, quatre frontières. Cette division de l’Europe qui n’est qu’un bout d’un continent est complètement anachronique.

Mais l’unification de l’Europe qui serait un progrès, il ne faut pas l’attendre de la bourgeoisie. Cela fait plus de 60 ans que les dirigeants européens essayent, laborieusement de construire l’Europe, et ils n’y sont toujours pas parvenus. Aujourd'hui avec le Brexit, l’Europe est même en train de reculer ! Parce que, comme tout ce que la bourgeoisie fait, elle le fait de travers parce qu’il n’y a que son business et ses profits qui comptent.

Alors l’UE qu’elle a construite n’a évidemment rien pour plaire aux travailleurs. L’Europe n’a rien fait pour les travailleurs si ce n’est organiser leur mise en concurrence. Et qu’est-ce que signifie la solidarité européenne ? Rien. Il suffit de se souvenir de la façon dont la Grèce a été traité en 2011, et de voir aujourd'hui les pays européens se repasser les migrants qui arrivent sur les côtes comme des patates chaudes pour comprendre que l’UE n’est pas cet espace de solidarité que certains nous vendent. Même sur une revendication qui semble évidente à la grande majorité, la taxation des Gafam, l’Europe montre son incapacité à avancer, parce que l’Allemagne a peur des rétorsions américaines et parce que l’Irlande n’y a pas intérêt…

Alors oui l’Europe n’est pas belle à voir. Mais les Etats nationaux ne le sont pas plus !

Tout ce que la bourgeoisie sait faire c’est de construire des machines à opprimer les plus faibles.Alors notre objectif, ce n’est pas de dénoncer l’Europe, c’est d’abattre le capital.

Si de nombreux travailleurs se trompent et sont trompés en mettant sur le compte de l’Europe ou de l’euro la dégradation qu’ils subissent, il ne faut pas les conforter dans cette illusion, mais au contraire leur ouvrir les yeux sur les seuls véritables responsables, nos exploiteurs. Nos conditions de travail ne dépendent pas de l’Europe, mais de la bourgeoisie. Quant aux salaires, s’ils sont fixés trop bas, qu’ils soient payés en francs ou en euros, ils resteront trop bas !

Encore une fois, dans cette élection, nous nous adresserons aux travailleurs en mettant en avant leurs intérêts de classe, en ne se laissant pas prendre au jeu des partis bourgeois. L’Europe leur donne l’occasion de s’opposer et de faire croire qu’ils représentent des options qui n’ont rien à voir les uns avec les autres. En réalité, ils se moquent de l’Europe comme de leur dernière chemise, et c’est un sujet sur lequel ils peuvent très facilement retourner leur veste, comme vient de le faire Le Pen en renonçant finalement à la sortie de l’euro.

Mais c’est un petit jeu de politiciens qui leur permet de faire croire à un nouveau clivage qui remplacerait le clivage gauche droite et qui entretient la fiction d’une possible alternance, alors qu’ils défendent tous le même ordre social. Les travailleurs se sont faits piéger trop longtemps par le clivage gauche droite, il ne faut pas qu’ils tombent dans le piège des pro et des anti Europe qui les poussera fatalement dans les bras de partis bourgeois.

Dans cette élection, il faut affirmer que les travailleurs n’ont qu’un seul intérêt à défendre, c’est leur peau, leur condition de travailleur. Il faut mettre en avant les revendications élémentaires du camp des travailleurs contre le grand capital et la perspective de renverser tout l’ordre social capitaliste, seule perspective pour offrir un avenir à l’humanité.

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